Le beau voyage

Novembre 2013

Comme Nils Holgersson planant au-dessus des paysages de Suède, ils avaient pris leur envol, chacun chevauchant une oie grise. Les deux garçons aux cheveux bruns et bouclés étaient partis en tête. Ils étaient suivis par un frère et sa sœur, deux petits blonds dorés comme des blinis.

« C’est par ici » avaient dit les premiers et d’un geste de la main ils avaient dirigé les oies dans la direction du Sud. « Il fait toujours beau et chaud après la grande mer bleue, ça s’appelle l’Afrique » avait dit le grand. Et les quatre oies avaient déployé leurs grandes ailes dans le vent du Nord qui les poussait vers le Sud. Les enfants voyaient au-dessous d’eux le pays de France, les longues plages de sable, les tout petits points blancs des voiles des bateaux sur la mer. Mais très vite le ciel s’était obscurci, les oies avaient frémi sous le poids léger des enfants et avaient ralenti leur vol. De grosses gouttes de pluie s’étaient mises à tomber. Les enfants voyaient la mer se déchaîner, rouler des vagues formidables dans le grand fracas du tonnerre.

Alors, le garçon blond avait dit : « C’est trop loin l’Afrique, on ne pourra pas traverser la mer sous la tempête ». Avec son oie grise, il avait obliqué vers l’Est. « Là-bas il y a juste la terre et les montagnes avant le grand pays de Russie. Suivez-moi ». Dans le ciel gris et violet, peinant sous le vent d’orage, les oies avaient suivi le grand garçon blond. Peu à peu, la pluie avait faibli et enfin avait cessé. Les oies planaient lentement pour faire sécher leurs larges ailes dans le vent léger. Le soleil était réapparu et réchauffait peu à peu les enfants. Des avions émergeaient aussi de la tempête, traversaient l’espace très haut au-dessus d’eux.

Comme ce voyage est beau, se disaient les enfants. Le ciel est immense autour de nous et tout en bas les maisons sont toutes petites, et aussi les champs, les routes, les forêts. Ils apercevaient des voitures rouler tout doucement sur des routes toutes droites, des tracteurs travailler dans les champs. On pouvait voir les quatre oies planant de front, mais toujours les deux grands garçons entouraient et protégeaient les plus petits. Et de loin, la petite fille était reconnaissable, ses grandes boucles blondes flottant derrière elle.

Ils approchaient maintenant des montagnes et les oies devaient monter très haut au-dessus des sommets enneigés. Il faisait de plus en plus froid et puis, la neige se mit à tomber. Les enfants se blottirent contre le cou de leurs oies pour se réchauffer mais la neige les aveuglait. Ils grelottaient et n’avaient plus la force de serrer de leurs doigts engourdis le plumage neigeux de leurs amies.

C’est alors que toutes ensemble les oies dirent : « Ce voyage est trop dur pour les enfants. Nous devons retourner dans notre pays, il y fera moins froid. Nous arriverons au printemps et c’est au début du printemps que naissent les bébés oies. Il faut se dépêcher. » Le voyage continua alors au-dessus des grandes plaines du Nord. Les oies volaient à toute vitesse, pressées de retrouver les paysages de Suède. Les enfants s’agrippaient encore plus fort à leur cou, grisés par la vitesse et le défilé des paysages, les rivières et les champs, la mer parfois. Ils étaient heureux lorsqu’ils survolaient les grandes villes habitées qui leur renvoyaient une douce chaleur. Bientôt ils virent une mer constellée de petites îles, puis les plaines de Scanie où chaque petite maison faisait une tache rouge sur l’herbe verte et les rochers blancs. La grande ville bâtie au milieu des lacs apparut enfin. Les clochers, les tours, les toits et les coupoles des monuments montaient droit dans le ciel bleu et blanc. Et ils voyaient d’autres oies affluer de tous côtés. Elles arrivaient maintenant des quatre coins de la planète, et même de Chine. Les oies se dirigeaient toutes vers le plus grand jardin au centre de la ville, fatiguées mais heureuses d’arriver enfin au but.

Avec les enfants, elles avaient rendez-vous ici pour la naissance des bébés.

Les deux frères

La fée et la petite fille

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