Les deux frères
Il y avait dans un pays lointain une famille où deux frères avaient grandi côte à côte. L’aîné était blond, le second brun. Ils s’entendaient très bien et partageaient volontiers les mêmes jeux, à la maison ou avec leurs camarades du village. Même quand ils furent plus âgés, ils restaient toujours très proches, mais le premier partit travailler dans un pays du Nord car il aimait le froid, la neige et les mers froides. Le cadet resta dans leur pays du Sud où le soleil était chaque jour un réconfort.
Les deux frères ne se voyaient plus très souvent car il était difficile de faire le long voyage qui les séparait. Et puis chacun avait ses occupations, son travail. Alors le plus jeune, qui était menuisier, décida de fabriquer des marionnettes qui seraient un peu leur portrait. Et deux petits bonshommes étaient nés sous son sabot et son rabot. Très souvent il les sortait de leur boîte et les contemplait pour voir s’ils étaient ressemblants.
Un jour, comprenant qu’il ne verrait pas son frère pendant encore de longs mois, il décida de lui envoyer sa marionnette, le petit bonhomme brun. Ainsi, pensa-t-il, je serai près de mon frère et moi je conserve ici le bonhomme blond. Il mit la marionnette dans une boite à chaussures avec des copeaux de bois pour la protéger pendant le transport. Il donna au facteur trois pièces d’argent pour payer le long voyage du colis vers le pays où habitait son frère.
Et la vie avait continué ainsi, chacun vivant de son côté. Dans son pays du Nord, le grand frère rencontra une très jolie jeune fille brune. Comme ils n’étaient tous les deux plus très jeunes et avaient le souhait de fonder une famille, ils décidèrent de se marier.
Le plus jeune, le garçon brun, était ami depuis de longues années avec une jeune fille blonde très jolie. Ils étaient restés très proches et à l’âge adulte s’unirent le plus naturellement du monde.
Poursuivant le cours de leur vie, les frères avaient maintenant chacun une compagne. Tous deux avaient conservé leur marionnette. Quand l’un se sentait un peu triste, il sortait la boîte à chaussures et contemplait le petit bonhomme de bois et ainsi se sentait proche de son frère. Mais ce n’était que de jolies figurines qui jamais ne s’animaient.
Au cours de l’année qui avait marqué le début du siècle, les deux jeunes femmes mirent au monde un enfant, l’une au printemps, l’autre à l’automne. Au bord de la mer du Nord, l’aîné fut le papa d’un beau bébé aux cheveux bruns. Et dans le village du Sud, un poupon tout blond arriva dans le foyer du cadet.
Les deux jeunes pères regardaient leur enfant et chacun se disait : voilà bien le portrait de mon frère. Et ils comprenaient que leur marionnette avait pris vie dans ce bébé qui venait les combler. Les deux frères surent alors qu’ils étaient désormais unis pour toujours.